lundi 25 juillet 2011

Alabama song ou la ritournelle des mots de Gilles Leroy.

Alabama Song, Gilles Leroy, folio, 224 pages
Prix Goncourt 2007

Papillon de nuit, oiseau libre. Zelda Sayre. Chacune de tes ailes est ocellée de petits cachous noirs. Jamais domptée. Jamais couchée. Caveçons inutiles. Tu voles. Tu voles et nous venges. Pas besoin de phaéton. Tu ne pérores jamais comme savait si bien le faire Scott au risque d'un mortel ennui. Tu es bucolique. Sans aucune retenue pour évoquer Joz, albatros splendide sur le fil de ton horizon amoureux. Joz qui avec tant de grâce danse et virevolte. Sur un air de ragtime ou sur un tango fougueux.

Abandonnée sous son aile grenue. Apaisée. Tes cothurnes sous le sable chaud. Perpétuelle dilettante. Nue ou dans ton tuxedo rose. Légère. Si légère. Fragile même. Ton amour, aussi profond que les abysses de la mer, ne tenait qu'à un fil, ganse d'or et d'argent. Ta rage de vivre, vieil atavisme des pionniers d'Alabama te dopait mieux que des myriades d'amphétamines. Ta crottée à l'esprit cinglant. Même si inexorablement l'écheveau de ta vie se déliait. Se délitait un peu plus chaque jour sous ta peau marmoréenne. Décatie bien avant l'heure. 

Aux frontispices des théâtres, petit papillon de lumière, comment te voir dans l'ombre de Scott ? Dans un noir si total. Absente, ignorée, blessée. Par la morgue insidieuse du héros déchu, puant, qu'aucune succube ne venait soulager. Tu rêvais pour lui de catafalque. Vite qu'on en finisse et qu'avec l'amadou partent en fumée, châteaux en Espagne, palaces dorés, rêves à jamais brisés. Ton alacrité s'est évanouie avec le fantôme de Joz. Plus de glance amoureux. Juste conchier les défaites, les nuits blanches sordides, les souillures avinées, les lupanars, les renoncements. Surtout les renoncements. Tant de solitudes croisées au cours de ces nuits pas si tendres. Tant de figures d'hommasses dans les remugles des sous-sols. Mélange pestilentiel de créosote et de foutre. Tant de rapins, tant de faiseurs de petite gloire. Loquedus infatués, poussahs plus prompts à guetter le pourliche qu'à comprendre quoi que soit à l'art "nouveau".

Scott t'a trompé, te trompe, et te trompera. Tu n'es rien. Tu n'existes plus. Même si tes droits sont forclos. Tu n'es rien. Ses mimiques simiesques pour t'humilier t’écœurent. Il s'enfonce et se noie dans le goulet de la mort. Personne n'entend plus sa voix de rogomme. Son aboulie le ronge lentement mais sûrement. Sa psychasthénie l'étouffe. Son aporie l'enferme. Relaps. Rien ni personne ne pourra le rédimer. Sauf peut-être les vestales appuyées aux péristyles des maisons d'édition qui n'ont d'yeux que pour son aura de comète. Reste un sordide mimodrame. Des chromos défraichis. Usés. Une petite musique aigrelette qui s’évanouit dans le lointain.

Sur la plage, blottie dans le giron de Joz Le Magnifique, tu caresses les nuages, tu tutoies les anges, tu lèches la pluie. Le jour efface la nuit. Le soleil te brûle. La mer monte. La mer descend. Et, toujours recommencé, ton rêve mirifique.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire